Espace Bresson

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Editorial

Matisse à Frontignan

 

Nous avons fait le choix d'ouvrir un lieu d'exposition permanente, plutôt qu'un pur lieu de vente, de manière que ceux que l'art attire un peu - disons 3% de la population - puisse au moins voir les oeuvres.

Quoi de plus triste qu'une galerie d'art dont la porte est fermée, à clé, et munie d'une sonnette pour dissuader d'entrer les visiteurs sans intention d'achat ? La réponse est bien sûr: une galerie sans vitrine située à l'étage d'un immeuble muni d'un interphone, comme certaines des plus grandes galeries parisiennes.

Nous avons donc choisi de laisser notre porte ouverte physiquement sur la rue, avec un panneau "exposition gratuite sur le trottoir, ce qui multiplie par cinq le nombre de visiteurs par rapport à une porte simplement fermée. C'est ainsi que 3% des passants entrent à un moment ou à un autre.

Ceux qui sont entrés aiment bien notre exposition, avec des artistes interessants et très différents: il y en a pour tous les goûts. Une grosse majorité préfère les oeuvres hyper-réalistes, dont on admire le savoir faire et la maîtrise technique. Une grosse minorité aime bien l'abstrait qui fait moderne et décoratif. Une toute petite minorité s'intesse vraiment à l'art, à la création: 10% des visiteurs, soit 0,3% des passants, trois passants sur mille!

Parmi les 22 tableaux de notre exposition se glisse la toile de Frania "Ce que re-Greta Prozor" qui est une interprétation époustouflante, d'une qualité très proche de l'original, et même mieux que le fameux portrait de Greta Prozor, l'un des chefs d'oeuvre les plus connus de Matisse. Seulement 5% des visiteurs le trouvent supérieur aux autres toiles: un sur 20 alors qu'il y a 22 toiles, autant dire que pour le public la qualité ce cette toile se situe dans la moyenne de l'exposition des artistes de notre galerie. Est-ce flateur?

Parmi les 5% de visiteurs qui reconnaissent sa valeur, 60% (soit 3% du total des visiteurs, et 1 passant pour 1000) disent que cette toile leur rappelle quelque chose, et parmi ceux-ci, seul 1 sur 3 identifie Matisse, soit 3 personnes sur 10000.  

Le véritable Matisse eût-il été en vente pour 1200€ dans notre exposition que personne ne l'aurait acheté. Un jour, de dépit, Van Gogh avait jeté ses toiles sur le trottoir, à côté des poubelles, en plein Paris, et personne ne les a ramassées. Le pire, c'est que ce serait toujours pareil aujourd'hui...

Heureusement que nous avons des artistes à succès !



26/08/2008
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